Delphine de Custine, autorretrato, óleo.
"La señorita de Sabran, quien se casó con el hijo del conde de Custine, era una de esas hermosísimas criaturas que Dios da al mundo en un momento de gran generosidad." Comentario de la duquesa de Abrantes, citado en L'amante et l'amie, lettres inédites 1804-1828, François de Chateaubriand, Delphine de Custine, Claire de Duras, Gallimard, París, 2017.
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"Este [día] 10, tarde (septiembre?) 1796.
Ya casi acaba el día. No obstante, no puedo resolverme a terminarlo sin hablarle algunos momentos.
Estoy triste, especialmente por todo lo que nos dijimos esta mañana, afligida por muchas de sus reflexiones sobre mí. No sé cómo llamará usted al valor que le doy a su cariño y a su interés [en mí], pero así lo denomine injustamente como coquetería, no negará con ello que [ese sentimiento] existe, y que ¡me afecta sensiblemente todo lo que dijimos esta mañana!
Los primeros días que nos vimos, le reclamé la consideración demasiado favorable con la que me juzgaba. Ahora, las cosas son otras: ¡sólo me puedo quejar de su injusticia! Porque si cree firmemente todo lo que me dijo esta mañana, no merezco en modo alguno su interés.
Pero dejemos todo eso: recordarlo me duele en el alma. Mientras mayores han sido los sufrimientos de mi corazón, más susceptible se ha vuelto éste a las más mínimas emociones. Es como un convaleciente, que sale de la enfermedad. Dejemos este pasado lamentable y hablemos del presente, de este presente que tanto le ha sorprendido y que hubiera debido parecerle tan sencillo. Incluso en todas las suposiciones, en aquélla, por ejemplo, que yo le fuera indiferente: mi estado de aislamiento, tristeza, soledad, distanciamiento del mundo y desaliento de la vida, debería haberle conmovido y motivado para sacarme de este estado de abatimiento, quizás ni siquiera por mí, sino en recuerdo de una persona que le fue querida [probablemente su esposo Armand de Custine, compañero de armas de Miranda, muerto en la guillotina], a usted que me conoce mejor, que sabe especialmente el valor que le di a su amistad, a la atención que me dio.
En la suposición opuesta, es decir, que yo no le fuera indiferente, ¿qué más podría desear que la disposición actual de mi alma? Después de las conmociones, de las ansiedades que la han desgarrado, ¿no puede ella ser sino inaccesible para cualquier sentimiento dulce y de consuelo? La idea misma de felicidad le es tan ajena que apenas puedo entender el significado de esta palabra. ¡A veces dudo que ella exista en el francés! ¿Qué hay en eso, entonces, que pueda tanto escandalizarle y alejarle de mí? ¿Hubiera preferido que, luego de hacerle esa ingenua confesión, le expresara yo un sentimiento amoroso para que usted me lo pagara de vuelta con otro sentimiento amoroso? Le dije que yo no tenía amor [que dar], que nunca lo tendría, lo lamento: mi pobre corazón ya no está predispuesto a la felicidad... La vida no puede ser para mí sino un árido camino tapizado de luto, del que busco constantemente el término y sobre todo ¡llegar a él a la mayor brevedad!
Esta es la profesión de fe de esa persona que usted llama coqueta y que ya no quiere querer. ¡No importa! Ella siempre sabrá apreciar y valorar la amistad que le ha consagrado, incluso es tan tonta como para creer en ella y contar con ella. ¡Esto es mucho para ella, a quien la miseria y la ingratitud de los demás han tanto transformado! No agregue a mi aprendizaje del dolor, engañando mi confianza, frustrando mis esperanzas. Por su interés en mí, comencé a construir algunas quimeras de felicidad y disfrute, o al menos a comprender mejor esas visiones que tanto chocan, tanto contrastan con las sensaciones habituales de mi corazón. ¿Hay necesidad de sacrificarlo todo?
Le agradezco por el libro que amablemente me ha prestado. Lamento haberlo terminado, porque fue un gran placer leerlo. Habló directamente a mi corazón, dio placer a (dos palabras ilegibles) e incluso les encontró el camino. El autor de este libro, sin duda, conocía el amor y especialmente la desgracia.
¡Pero este garabato ya está muy largo! Perdón mil veces, ya fue suficiente cansarle y fastidiarle esta mañana para venir a importunarle otra vez esta noche.
Pero qué le voy a hacer, ¡tenía que escribirle!"
ORIGINAL EN FRANCES
"Ce 10, soir (septembre?) 1796.
La journée est presque finie. Je ne peux cependant me résoudre à la terminer sans causer quelques moments avec vous. Je suis triste, occupée surtout de tout ce que nous avons dit ce matin, affligée de plusieurs de vos réflexions à mon égard. Je ne sais pas comment vous appellerez le prix que j'attache et à votre estime et à votre intérêt, mais dussiez-vous le taxer injustement de coquetterie, vous n'empêcherez pourtant pas qu'il existe, et que je ne m'affecte sensiblement de tout ce que nous avons dit ce matin ! Je me plaignais, les premiers jours que nous nous sommes revus, de la trop favorable prévention avec laquelle vous me jugiez. Maintenant, c'est tout autre chose : je ne peux me plaindre que de votre injustice ! Car si tout ce que vous m'avez dit ce matin vous le croyez fermement, je ne mérite en aucune manière votre intérêt. Mais laissons tout cela : le souvenir même blesse mon âme. Plus le malheur a froissé mon cœur et plus il l'a rendu susceptible des moindres impressions. C'est comme un convalescent, qui sort de maladie. Laissons donc ce sale passé et parlons du présent, de ce présent qui vous a tant étonné et qui eût dû vous paraître si simple. Même dans toutes les suppositions, dans celle, par exemple, où je vous serais indifférente : l'état d'isolement, de tristesse, de solitude, d'éloignement du monde et de découragement de la vie, aurait dû vous toucher et vous engager à me retirer de cet état d'abattement, non peut-être pour moi-même, mais en souvenir d'une personne qui vous fut chère, me connaissant davantage, sachant surtout le prix que j'attachais à votre amitié, à votre intérêt. Dans l'autre supposition contraire, c'est-à-dire, ne vous étant pas indifférente, que pourriez-vous désirer de mieux que la disposition présente de mon âme ? Après les secousses, les angoisses qui l'ont déchirée, peut-elle être autrement qu'inaccessible à un sentiment doux et consolant ? L'idée seule du bonheur lui est si étrangère qu'à peine puis-je bien entendre la signification de ce mot. Je doute quelquefois même qu'il soit bien français ! Qu'y a-t-il donc là-dedans qui puisse tant vous choquer et vous éloigner de moi ? Eussiez-vous préféré que, par une suite de mes naïfs aveux, je vous eusse fait celui d'un sentiment tendre, payé d'un tendre retour ? Je vous ai dit que je n'avais pas d'amour, que je n'en aurais jamais, je le regrette : mon pauvre cœur n'est plus susceptible de bonheur... La vie ne peut plus être pour moi qu'un chemin aride tapissé de crêpe, dont je cherche sans cesse à apercevoir le terme et surtout à l'atteindre promptement ! Voilà la profession de foi de cette personne que vous appelez coquette et que vous ne voulez plus aimer. N'importe ! elle saura toujours apprécier et chérir l'amitié que vous lui aviez vouée, elle a même la folie d'y croire et d'y compter. C'est beaucoup pour elle, que le malheur et l'ingratitude des autres ont si bien formée ! N'ajoutez pas à mes douloureuses instructions, en trompant mon attente, en déjouant mes espérances. Sur votre intérêt je commençais à bâtir quelques chimères de bonheur et de jouissance, ou du moins à mieux comprendre les vues si choquant, si contrastant (sic) avec les sensations habituelles de mon cœur. Faudra-t-il encore en faire le sacrifice ? Je vous remercie du livre que vous avez eu la bonté de me prêter. J'ai du regret de l'avoir fini, car j'ai eu un grand plaisir à le lire. Lui seul a parlé à mon cœur, il a flatté ses (deux mots illisibles) et même en a trouvé le chemin. L'auteur de ce livre sans doute a connu l'amour et surtout le malheur. Mais voilà un bien long griffonnage ! Pardon mille fois, c'était bien assez de vous avoir fatigué et ennuyé ce matin, sans venir encore vous importuner ce soir. Mais que faire, j'avais besoin de vous écrire !"